Quelle est la formule la moins onéreuse ? La réponse est loin d’être évidente.
Luc Zuallaert, Director Public Banking BNP Paribas Fortis :
« Auparavant, on partait du principe que le marché des capitaux était plus cher que les crédits bancaires. Mais ces dernières années, c’est plutôt le contraire que l’on entend. Cela dépend en grande partie des frais engendrés par une opération sur le marché des capitaux, telle que l’édition d’un prospectus. Ces frais sont d’autant plus pesants que les montants sont faibles. Lorsque je compare nos tarifs de ces dernières années pour des emprunts classiques et obligataires, je constate qu’une option est parfois plus intéressante que l'autre et inversement.»
Retour prudent
Pour l'instant, le financement via les marchés des capitaux ne représente qu'une part modeste du total. Cela changera-t-il à l'avenir ? Les crédits bancaires classiques seront-ils remplacés par des emprunts obligataires ? Sans doute que cela finira par se stabiliser, pense Luc Zuallaert :
« Les esprits ont réellement mûri au cours des cinq dernières années : les institutions des secteurs public et non marchand comprennent désormais le besoin de diversification. Une banque peut toujours rencontrer un problème et il est intéressant de découvrir d'autres sources financières. La part du marché des capitaux augmentera donc encore.
Par ailleurs, depuis peu, on observe un retour prudent du crédit bancaire. On a longtemps craint que le secteur public n’éprouve de plus en plus de difficultés à se financer auprès des banques. Aujourd'hui, ce secteur peut à nouveau s'adresser à celles-ci plus facilement pour des crédits bilatéraux. Les banques ont en effet connu une légère accalmie au cours de l'année écoulée. Elles disposent davantage de liquidités. A nouveau, elles osent réfléchir et investir à plus long terme.
Et puis, le risque public est à nouveau mieux perçu car les dettes publiques diminuent lentement. Le très long terme pourrait devenir de l’histoire ancienne. En Wallonie surtout, on demande encore toujours des durées de trente ans et plus. Les banques ne les accordent pas volontiers et ces emprunts sont onéreux. Lorsque c'est possible, nous conseillons aux clients d'emprunter sur dix ans. Nous examinons ensuite la meilleure option pour refinancer, par exemple. Le taux d’un crédit sur dix ans et la prime de liquidité que le client doit payer sont bien plus faibles que pour vingt ou trente ans. Toute l'histoire des crédits bancaires irréalisables ou impayables était entièrement vraie il y a quelques années, mais aujourd'hui, la situation s’est tout de même modifiée. »
Entre-temps, les pouvoirs publics et les organisations non marchandes ont redécouvert le marché des capitaux.
- Il s'agit généralement de programmes communs : des villes et communes peuvent émettre des emprunts obligataires à long terme. Ceci dit, Malines et Zaventem ont de petits emprunts obligataires d'environ un million d'euros.
- En Flandre, une trentaine de communes entrent directement sur les marchés des capitaux via des titres de créance. Il s'agit de villes comme Gand et Hasselt, mais également de communes telles que Zaventem.
- En Wallonie, des villes comme Liège, Seraing et Namur se hasardent aussi sur le marché des capitaux.
Attention aux bullets !
Le financement de marché est dans la tendance, c’est vrai, mais il n’est pas sans risque. Dans neuf cas sur dix, il s'agit d'emprunts ‘bullet’, qui ont la préférence des investisseurs. Contrairement à un emprunt classique, il ne faut payer que les intérêts. Ce n'est qu'à la fin de la durée que le montant principal doit être remboursé ou refinancé.
Wim Moesen, Professeur Emérite à la KULeuven : « Vous risquez de ne pas pouvoir rembourser cet argent, de ne pas obtenir un nouveau crédit ou encore que les taux d'intérêt aient, entre-temps, fortement augmenté. Les pouvoirs publics ont donc tout intérêt à être prudents lorsqu’ils contractent des emprunts bullet. Reporter des dettes sur les législatures suivantes peut être tentant, naturellement. »
Luc Zuallaert : « En Flandre, ces emprunts bullet sont légalement admis mais le parlement flamand a reçu beaucoup de questions à leur sujet. Les responsables politiques s’inquiètent de la solvabilité des communes et du report éventuel de dettes. Il ne faut pas tomber dans des extrêmes. »
02.05.2016
Le recul des crédits long terme au secteur public
Les banques hésitent à octroyer du crédit long terme aux autorités et sociétés à finalité sociale. En cause, le risque accru, les règles raffermies, les taux faibles ou les 3 ?
Selon Joachim Verheyden, Head of Business Development BNP Paribas Fortis, cela touche à la solvabilité du secteur public et social.
« Auparavant, octroyer des crédits aux pouvoirs publics ou à des organisations non marchandes était considéré comme du risque zéro. Il n'existait même pas de rating pour les pouvoirs publics. On partait du principe qu’ils rembourseraient toujours leurs dettes : en cas de besoin, ils pouvaient toujours augmenter les taxes. Après la crise de la dette européenne, cette perception a changé : le risque d'un crédit octroyé aux pouvoirs publics n’est plus évalué de manière aussi positive : leur position en termes de dette s’est dégradée. Ce qui influence la durée et le prix des crédits. »
Deuxième raison à la diminution des crédits à long terme : les directives Bâle III qui raffermissent les règles afin de réduire au sein des banques le ‘mismatch’ entre le long et le court terme. Quelques explications s’imposent. Joachim Verheyen :
« Les clients versent de l'argent à la banque. Ce sont des liquidités à court terme dans la mesure où elles peuvent faire l’objet d’un retrait à n’importe quel moment. De son côté, la banque utilise cet argent pour octroyer des crédits, lesquels s’inscrivent dans le long terme. Pour combler le fossé entre court et long termes (le ‘mismatch’), les banques faisaient traditionnellement appel au marché interbancaire. Mais, lors de la crise immobilière américaine de 2008, le marché interbancaire s'est soudainement tari. Par manque de confiance, les banques n'ont plus osé s'octroyer de prêts entre elles. Pour éviter le blocage de tout le système, l'Europe a été obligée d’intervenir pour combler les trous. Les directives Bâle III ont pour objet d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise. Bâle III impose aux banques des exigences plus strictes en matière de capitaux. Les banques doivent désormais disposer de davantage de liquidités en regard de leurs engagements à long terme. Plus le terme est long, plus les liquidités doivent être conséquentes. »
L’effet des directives Bâle III se fait nettement sentir : les banques sont moins enclines à octroyer des crédits à très long terme ou alors, pratiquent des taux très élevés. Luc Zuallaert, directeur Public Banking chez BNP Paribas Fortis :
« Bâle III a rendu les banques moins compétitives en matière de crédits à long terme. Si une banque octroie aujourd'hui un crédit à trente ans, nous devons demander un taux bien supérieur. D'autre part, actuellement, les secteurs public et non marchand demandent peu d'emprunts à trente ans. Ces dernières années, les banques ont envoyé des messages clairs aux autorités publiques et aux organisations non marchandes. Et ces messages ont été bien compris. Désormais, les hôpitaux ne financent plus leurs ouvrages sur trente-trois ans, mais bien sur vingt ans, auxquels s’ajoutent les trois à cinq ans de période de prélèvement durant la construction à proprement parler. D’ailleurs, les hôpitaux ne sont plus non plus demandeurs de très longues durées : de toute façon, après vingt ans, un bâtiment médical doit être rénové. »
La demande de crédits à long terme a également diminué chez les autres acteurs des secteurs public et non marchand, déclare Luc Zuallaert :
« Pour les villes et les communes flamandes, la grande majorité des demandes (65 à 70 %) concernent encore des emprunts à vingt ans. La comparaison avec Bruxelles est ardue, car cette dernière s’appuie sur un système de financement spécifique. En Wallonie, la demande de crédits "désuets" (à long terme) persiste car les financements se font encore par projet. En Flandre, un nouveau cycle de politique et de gestion a été introduit cette année. La comptabilité ressemble désormais davantage à une comptabilité d’entreprise. Les villes et communes flamandes ne travaillent plus par projets, mais financent désormais leur trésorerie. Ce qui les rend moins dépendantes de ces longues durées. »
Mais Bâle III est plus stricte dans ses exigences en matière de capital, ce qui jouera effectivement dans la raréfaction des crédits à long terme, admet Wim Moesen. Pour celui-ci, toutefois, dire que le risque perçu auprès des pouvoirs publics joue en défaveur des crédits long terme est à relativiser :
« Le risque est tout de même limité. L'Europe surveille les dettes de très près : il n'est plus possible de dévier, comme par le passé. Les autorités publiques ont conservé le pouvoir d'imposer des taxes. En cas de besoin, elles peuvent toujours légèrement augmenter les impôts. Personnellement, je pense que le niveau des taux est plus néfaste car ils finiront bien par remonter. C'est aussi pour cette raison que les banques sont plus frileuses en matière d’emprunts à long terme. »
02.05.2016
Financement de marché : bonne idée pour les autorités ?
Pour le long terme (20 à 30 ans), le financement via les marchés financiers gagne du terrain sur le crédit classique. Mais est-ce une alternative à part entière?
Nouveauté sur le marché ? Plutôt une renaissance, selon Wim Moesen, Professeur Emérite à la KULeuven :
« Passer par le marché signifie que les pouvoirs publics financent leurs investissements via l'émission directe d'obligations ou de titres de créance. Auparavant, il n'était pas rare que les villes et communes optent pour cette solution afin de financer la construction de routes, d'une zone industrielle, d'un hall sportif... Cette pratique a quasi disparu au fil du temps, précisément en raison du rôle de plus en plus prépondérant pris par les banques traditionnelles. Ce type de financement ne convient toutefois pas à toutes les autorités publiques : il faut avoir une taille suffisante, car une telle opération engendre des coûts. À moins de s’associer avec d’autres émetteurs, ce qui est possible également.»
Quoi qu'il en soit, le financement via les marchés des capitaux semble être une bonne solution pour toutes les parties. D'une part, les pouvoirs publics et les organisations non marchandes disposent d'une alternative, parfois même moins coûteuse, au crédit bancaire. D’autre part, les fonds de pension, assureurs et autres investisseurs institutionnels montrent de plus en plus d'intérêt pour les titres de créance émis par les pouvoirs publics.
Selon Katherine Dior, Head of Primary Markets chez BNP Paribas Fortis, ces derniers sont ‘naturellement’ mieux positionnés que les banques pour prendre des engagements sur le très long terme :
« Les assureurs sont, par exemple, capables d'évaluer avec précision les montants qu’ils devront débourser sur un certain nombre d'années. Combiner leurs dépenses avec des investissements à long terme leur permet de gérer les risques de manière optimale. »
La littérature spécialisée distingue souvent trois formes de financement via les marchés de capitaux : les obligations institutionnelles, les obligations retail et les placements privés :
- L'émission d'obligations institutionnelles est réservée aux grandes organisations qui jouissent d'une bonne réputation (cotées ou non) et aux montants élevés.
- Pour les organisations de plus petite taille, les obligations retail peuvent se révéler intéressantes. Ce type d'obligation s'adresse aux investisseurs particuliers, avec des coupures de 1 000 euros.
- Dans le cadre du placement privé, l'emprunt est proposé à un nombre limité d'investisseurs institutionnels et/ou d'investisseurs particuliers fortunés.
Katherine Dior aborde les choses sous un autre angle :
« Il s'agit, dans tous les cas, d'un emprunt. Vous choisissez simplement un certain type d'investisseur qui convienne plus particulièrement à la structure du financement. Il va de soi, par exemple, que vous ne proposerez pas aux petits épargnants un placement peu documenté et risqué, qui court sur plus de vingt ans. A l'heure actuelle, compte tenu du faible niveau des taux d'intérêt, les émissions d'obligations retail sont moins nombreuses que celles des obligations institutionnelles ou que les placements privés. Voici comment le petit épargnant raisonne : si je dois immobiliser mon argent pendant sept ans à un taux de 1,5 %, mieux vaut opter pour un livret d'épargne. Avec la prime de fidélité, ce dernier pourra peut-être espérer un rendement de 1,1 %. Le long terme, typique aux investissements publics, s'adresse plutôt aux investisseurs institutionnels ou aux particuliers fortunés. »
Si les pouvoirs publics et les autres organisations passent directement par les marchés des capitaux pour financer leurs investissements, cela signifie-t-il que la banque ne joue plus son rôle d'intermédiaire ? C'est parfois déjà le cas et cela pourrait l’être encore plus à l'avenir, à condition que le marché se perfectionne. Mais cela ne signifie pas que la banque disparaitra complètement du circuit. Katherine Dior cite trois raisons pour lesquelles les banques auront encore un rôle d'intermédiaire à jouer :
« La première raison a trait à la nécessité de travailler sur le marché secondaire : elle est liée à la liquidité de l'emprunt. Lorsqu'un investisseur achète des titres de créance, il est possible qu'il veuille les revendre après un certain temps. Or, aujourd'hui, les obligations ne sont que très rarement négociées en Bourse. On a donc besoin d'opérateurs pour échanger ces titres de gré à gré (« over the counter »), sans passer par une plate-forme boursière. Les banques peuvent jouer ce rôle. »
Les deux autres raisons touchent au rôle de conseiller, comme l'explique Katherine Dior :
« Tout d'abord, la banque peut émettre des conseils en matière de structure. Celle-ci va dépendre de l'émetteur, de l'investisseur, du montant, de la durée... Dans certains cas, un simple contrat qui définit les modalités entre les deux parties suffit. Dans d'autres, il faut procéder à une introduction en Bourse (listing) et publier un prospectus de plusieurs centaines de pages qui réponde aux exigences de la directive européenne en matière d’information. Il va de soi que cette dernière option engendre plus de frais que la première. Ces frais fixes restent toutefois acceptables pour autant que le montant de l'émission soit suffisamment élevé.
Outre ces éléments structurels, la banque peut également donner des conseils sur la tarification. Supposons que les autorités publiques décident d'émettre du papier et que l'investisseur exige un taux de 5 % sur une durée de cinq ans. Comment savoir s'il s'agit d'une bonne opération ? Que propose la concurrence ? »
02.05.2016
La puissance collective via le financement participatif
Pour un crédit bancaire ou un financement de marché, seul le ratio compte. Dans un financement participatif, le rendement social joue davantage.
Il y a quelques années, le philosophe bruxellois Philippe Van Parijs lance un appel singulier dans le journal. Il appelle les fonctionnaires et diplomates européens à créer un « Piazza Schuman Fonds », qui s’alimenterait par un système de financement participatif. L'argent servirait à rénover le rond-point Robert Schuman (à côté du bâtiment Berlaymont) dans le quartier européen de Bruxelles.
Comme l'écrit joliment Romano Prodi, le président de la Commission européenne, en 2001 : « Ce rond-point doit être un lieu de rencontre pour l'Europe, une ‘piazza’ pour le continent. Les Européens doivent avoir le sentiment qu'ils sont au cœur de l'Europe. » Le trafic est quant à lui appelé à disparaître dans un tunnel.
Au terme de multiples plans, études et concours d'architecture, le rond-point Robert Schuman est resté le même lieu bruyant et désagréable. Il est temps de remplacer l'approche top-down par une approche bottom-up, pense Philippe Van Parijs (professeur aux universités de Louvain-la-Neuve, Leuven et Oxford). Celui-ci trouve son inspiration chez les riches Bruxellois qui, voilà un siècle, devaient payer peu d'impôts. Pour réussir tout de même à financer des travaux d'embellissement de cet espace public, la ville fait appel à des « adjudications ». En d’autres termes, ce sont les nantis qui utilisent leurs fonds propres et rassemblent de l'argent pour donner plus d'allure à leur ville.
« Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer’ ».
Selon le philosophe, la situation des Bruxellois européens est similaire à celle des notables du dix-neuvième siècle : ils sont fortunés, mais peu imposés. Que ceux qui en éprouvent quelque honte se montrent donc ouverts à son appel, c’est ce qu’espère Philippe Van Parijs. Via le fonds, les Bruxellois européens pourraient ainsi contribuer à l’embellissement de la capitale européenne. Van Parijs propose donc de se rassembler pour un pique-nique à côté du rond-point, auquel il compte participer vêtu d'une cape orange en souvenir du plus grand Bruxellois de tous les temps : Guillaume d'Orange qui avait pour devise :
Au-delà du ratio
Contrairement à la morale de cette devise, quasi plus rien n’est entrepris depuis en faveur de cette initiative. Cela ne veut pas dire pour autant que le financement participatif n'a pas d'avenir, comme le pense Aymeric Olibet (business development chez BNP Paribas Fortis) :
« Le financement participatif permet à un grand nombre de personnes d’investir une somme modeste dans une cause qui les concerne. Un capital de départ peut ainsi être dégagé pour lancer et développer des projets. »
Le crédit bancaire et le financement de dettes via le marché privé s’inscrivent dans une logique de taux (risque, rendement). C’est le royaume du ‘bankable business’ : des projets présentant un risque acceptable et un rendement raisonnable. Il y a une logique là-derrière, le monde financier travaille avec de l'épargne et celle-ci doit être gérée en bon père de famille. Aymeric Olibet :
« Ce ratio prend tant d'importance que tout le marché des crédits semble s’effondrer, du moins c’est ce que l’on ressent. Tout doit être décortiqué dans les moindres détails pour éviter de prendre le moindre risque. Rien d’étonnant à ce que des initiatives générant un rendement social plutôt qu'économique, aient tant de mal à se financer. Le financement participatif va au-delà de la logique de ratio. Probablement que votre mise ne rapportera rien ou peu, mais vous aiderez à réaliser des projets qui vous tiennent à cœur. Imaginez que les pouvoirs publics ne veuillent ou ne puissent pas investir dans une garderie dans votre quartier. Si plusieurs centaines d'habitants allouent un petit montant via le financement participatif pour en fonder une nouvelle, celle-ci a des chances d’ouvrir un jour ses portes. »
Ce sont surtout les histoires à succès du monde industriel qui ont contribué à la notoriété du financement participatif. A l'origine, le système est utilisé pour financer des films, des livres et de nouvelles applications. Entretemps, plusieurs projets liés à l'espace public se développent. Ils s'inscrivent dans une double tendance. Les pouvoirs publics se mettent en retrait et à côté de ceci, l’on voit apparaître un nouveau phénomène : des citoyens responsables s’investissent pour façonner eux-mêmes leur environnement.
Un mélange de passion et d'aventure
Exemple bien connu aux Pays-Bas : le Luchtsingel de Rotterdam. C’est un pont en bois, piétonnier, qui mesure 390 mètres de long et relie des quartiers séparés par des artères routières. Les citoyens et les entreprises participent au projet : pour fabriquer le pont, ils achètent des planches qui portent leur nom. L'investissement varie de 25 à 1 250 euros. New York a aussi son High Line Park : un ancien viaduc ferroviaire de deux kilomètres, situé à l'est de Manhattan, converti en parc par un groupe d'habitants du quartier. Le plus souvent, dans une initiative de ce type, seule une partie des fonds (nécessaires aux études de faisabilité ou à une partie des travaux) est récoltée via le financement participatif. Les pouvoirs publics apportent le reste. Les habitants du quartier profitent réellement de leur investissement : la vie dans leur quartier en est améliorée, et souvent leur habitation prend de la valeur.
Aymeric Olibet : « Je crois fermement à la valeur du financement participatif. La passion et la solidarité avec les générations suivantes pèsent plus lourd que les critères rationnels. C’est ainsi que l’on peut parvenir à soutenir des projets innovants présentant certains risques, mais dont l'économie européenne a besoin pour assurer la poursuite de sa croissance. Autre avantage du financement participatif, les risques ne sont pas repris dans le bilan de la banque. Il n'est donc pas question de risque systémique. Pour l'investisseur, le risque reste limité : il n'investit qu'un petit montant et sait à quoi sert son argent. »
02.05.2024
« Miser sur l’humain et la confiance »
Une entreprise du secteur de la mode peut-elle réussir loin des dérives de la fast fashion ? Oui, comme nous le prouve Jean Chabert avec Stanley/Stella, qui crée des vêtements sur mesure en coton bio.
« Nous voulons changer la donne », confie Jean Chabert, CEO de Stanley/Stella. « Quand je suis né, il y a 62 ans, la planète comptait 2 milliards d’habitants. Aujourd’hui, nous sommes 8 milliards. On doit s’adapter à cette réalité et cesser d’épuiser les ressources. Les activités humaines auront toujours un impact, mais nous devons constamment nous efforcer de nous améliorer. C’est là que réside notre engagement, matérialisé par une charte signée en 2022. Nous maîtrisons l’ensemble de notre écosystème, en misant sur l’humain et sur la confiance. »
Le vêtement comme support de communication
L’entreprise bruxelloise orientée B2B commercialise des vêtements qui servent de supports de communication. Les clients de Stanley/Stella vont faire floquer, imprimer ou broder des t-shirts, sweat-shirts et hoodies pour proposer ensuite ces articles personnalisés à leurs propres clients. « Dans cette industrie du ‘giveaway’, nous arrivons à des prix au moins 50% plus élevés que la moyenne. Mais aussi et surtout, nous proposant une qualité supérieure tout en garantissant le respect de l’humain », explique Jean Chabert.
Coton bio : 2 fois moins d’eau
Une quinzaine des 220 salariés de Stanley/Stella sont directement ou indirectement en charge des objectifs ESG (Environmental, Social, Governance). Certains veillent spécifiquement au respect des engagements de la société, notamment pour les conditions de travail et de sécurité, sur les sites de production. La société achète son coton bio en Inde, en Tanzanie et en Turquie, un coton fabriqué sans OGM (organismes génétiquement modifiés), sans pesticides et qui consomme jusqu’à 70% d’eau en moins que son équivalent conventionnel. Ensuite, Stanley/Stella prend sur l’ensemble de sa chaîne de production des mesures à long terme pour minimiser son impact négatif sur l’humain et l’environnement. Un exemple ? 90% des conteneurs arrivent dans leur hangar de stockage allemand par voie fluviale, soit le mode de transport le moins polluant.
Réfléchir à toutes les conséquences
« Nous devons bien entendu rester réalistes », nuance Jean Chabert. « Car la viabilité des entreprises dépend de leur profitabilité. Dans le secteur du textile, on consomme forcément des ressources. On réfléchit donc à toutes les conséquences. Nous avons conservé notre activité de décoration des textiles en Europe, même si cela coûte plus cher. Les eaux usées contenant des encres et des teintures sont traitées et réutilisées. En revanche, nous ne pouvons pour l’instant pas éviter que l’électricité soit produite à partir de gaz au Bangladesh. On évalue la volonté du pays d’avancer sur ce point. En attendant, on compense ce qu’on ne peut pas éviter. »
La confiance et l’humain
« La confiance est au cœur de toute bonne relation », poursuit Jean Chabert. « J’ai été plus d’une fois confronté à des problèmes de cash-flow par le passé. J’avais recours à mon propre patrimoine et, pendant plusieurs années, je n’avais pas recours à des emprunts. J’ai longtemps été actionnaire à 100%. Finalement, j’ai ouvert mon capital à hauteur de 40% et demandé des crédits à BNP Paribas Fortis. Maintenant, nous nous connaissons bien et je n’ai pas besoin de leur expliquer mes contraintes : ils connaissent le secteur. Ils cofinancent le stock, fournissent une solution d’affacturage, soutiennent notre développement aux États-Unis grâce à leur réseau international, etc. »
Aujourd’hui, Stanley/Stella a le vent en poupe. En 2023, son chiffre d’affaires a plus que doublé, pour atteindre 170 millions d’euros. L’entreprise espère aussi se lancer au Japon et en Corée du Sud prochainement. Mais pour Jean Chabert, une chose est claire : « Notre principale richesse ne se voit pas dans le bilan : ce sont les gens. »
Stanley/Stella est prêt à changer le monde. Découvrez d’autres histoires fascinantes de chefs d’entreprise.
Nous maîtrisons l’ensemble de notre écosystème, en misant sur l’humain et sur la confiance.
Nos prix sont au moins 50% plus élevés que la moyenne, mais aussi avec une qualité supérieure et un respect des personnes.