Et si le CO2 (recyclé) faisait partie de la solution plutôt que du problème
Quel est votre sentiment par rapport à ce voyage à Oslo ? Oslo a été élue capitale verte de l’Europe. La Norvège dispose-t-elle d’une longueur d’avance ? Le CCS est donc une approche complémentaire au CCU. Pouvez-vous expliquer ce qui les distingue ? Lesquelles ? Quels sont les avantages du « recyclage » du CO2 via le CCU ? Comment est-ce que les entreprises peuvent s’en saisir ? Certaines voix s’élèvent pour dire que le CCU exige de grandes quantités d’énergie (souvent de l’électricité). Ce qui poserait un problème environnemental… Des exemples d’application du CCU ?Oslo a reçu la visite de 80 entrepreneurs belges. Damien Dallemagne, Secrétaire général de CO2 Value Europe, revient sur l’expérience et aborde les atouts du recyclage du CO2 grâce aux technologies de CCU
Découvrir et s’inspirer des initiatives norvégiennes en faveur de la décarbonisation, tel était l’objectif du voyage d’études au cœur d’Oslo organisé par BNP Paribas Fortis Corporate Banking en février dernier. Près de 80 clients corporate avaient ainsi eu l’opportunité de réfléchir sur la thématique et éventuellement d’accélérer leur propre transition énergétique. L’occasion aussi d’échanger et de nouer des contacts au sein de la délégation belge. Parmi les participants, Damien Dallemagne, Secrétaire Général de CO2 Value Europe, une association industrielle qui milite pour la capture et la conversion du CO2 en « produits utiles ». Une vision éclairée sur le « chantier » des défis climatiques…
Quel est votre sentiment par rapport à ce voyage à Oslo ?
Damien Dallemagne : « C’était très bien organisé, mais j’avoue avoir été un peu déçu par le contenu sur place, très orienté sur la seule question de la voiture électrique. Par contre, les interactions au sein de la délégation belge ont été d’une grande richesse. Une opportunité très intéressante de rencontrer des dirigeants ouverts et en quête de solutions pour appréhender la transition durable et énergétique. La partie réseautage était donc essentielle. »
Oslo a été élue capitale verte de l’Europe. La Norvège dispose-t-elle d’une longueur d’avance ?
DD : « Difficile de formuler un avis catégorique, car de nombreuses initiatives voient le jour un peu partout dans le monde. Toutefois, la Norvège est certainement un pas en avant en matière de mobilité routière électrique, en particulier pour la voiture. Ils sont également précurseurs en matière de réflexion et de projets dans le domaine de la capture et du stockage en sous-sol du CO2. Ce qu’on appelle le CCS (Carbon Capture and Storage) et qui est l’une des solutions envisagées pour limiter le réchauffement climatique, au même titre que le “Carbon Capture and Utilization” (CCU) que nous défendons. »
Le CCS est donc une approche complémentaire au CCU. Pouvez-vous expliquer ce qui les distingue ?
DD : « Dans les deux cas, le principe consiste à capturer du CO2 pour en faire quelque chose… Alors que le CCS propose de s’en débarrasser par enfouissement géologique, le CCU s’intéresse à la valorisation du CO2. L’idée est de transformer le carbone en un “produit utile” grâce à une série de technologies innovantes. Autrement dit, faire de ce que l’on considère généralement comme une émission problématique… une véritable matière première. Un processus de conversion qui peut prendre deux formes… »
« Le CCU s’intéresse à la valorisation du CO2. L’idée est de transformer le carbone en … matière première. » Damien Dallemagne
Lesquelles ?
DD : « C’est un peu technique… mais prenons l’exemple d’une usine qui émet du CO2 au cours de son processus industriel. La première option consiste à capter le dioxyde de carbone pour le recycler et le “séquestrer” dans un produit. Le CO2 est figé ad vitam aeternam dans du béton ou des matériaux de construction. C’est ce qu’on appelle la minéralisation. On contribue ainsi clairement à la réduction des émissions de CO2. L’autre option vise à convertir le CO2 capté de l’usine en un produit ayant une durée de vie limitée, tel qu’un carburant ou un polymère. Dans ce cas, même s’il y aura effectivement une réémission du CO2 à la fin de la vie du “nouveau produit” (par exemple lorsque le carburant sera brûlé par le moteur d’un bateau), on divise les émissions totales de CO2 par un facteur 2, puisque l’usine n’émet plus aucun CO2 et qu’il ne reste que le CO2 émis par le bateau. On a donc donné une seconde vie à la molécule de CO2 émise par l’usine en la transformant en ressource pour la propulsion d’un bateau. »
Quels sont les avantages du « recyclage » du CO2 via le CCU ?
DD : « D’une part, c’est une solution efficace pour répondre aux enjeux environnementaux et aux objectifs climatiques mondiaux. D’autre part, le captage et l’utilisation contribuent à élargir les “ressources” de carbone existantes et nécessaires à la croissance des sociétés. Mais surtout… on peut agir maintenant ! Le problème est posé de la façon suivante : nous devons tenter au maximum de réduire les émissions de CO2 à la source et miser sur les énergies renouvelables. C’est une évidence… Mais ces leviers exigent des mutations majeures, à la fois au niveau des modes de production industriels et des modes de transport. Ce qui risque de prendre un temps que nous n’avons pas. Le CCU... c’est aujourd’hui ! Nous n’avons ni besoin de construire de nouvelles usines, ni des moteurs innovants, ni de nouveaux réseaux de distribution, etc. C’est donc essentiellement une question politique ! »
Comment est-ce que les entreprises peuvent s’en saisir ?
DD : « J’identifie trois niveaux d’action clés dans la chaîne de valeur des entreprises. D’abord, pour les “producteurs” de CO2, ils peuvent s’engager dans la capture du CO2… Ensuite, au niveau du développement et de la conception des produits, il y a de la place pour agir en misant sur le CO2 comme une matière première à part entière. Enfin, la mise sur le marché est une autre occasion pour les entreprises. On voit, d’ailleurs, des acteurs rechercher des produits qui ne sont plus “basés” sur les énergies fossiles. »
Certaines voix s’élèvent pour dire que le CCU exige de grandes quantités d’énergie (souvent de l’électricité). Ce qui poserait un problème environnemental…
DD : « C’est une fausse question : la capture et l’utilisation du carbone permettent au contraire d’augmenter la part du renouvelable et de rendre ces énergies plus flexibles. En effet, les producteurs actuels d’énergie renouvelable doivent souvent freiner leur production (comme, par exemple, en Allemagne) pour ne pas saturer les réseaux (par exemple quand il y a beaucoup de vent ou de soleil)… Or, grâce au CCU, on peut transformer l’électricité en carburant liquide ou gazeux, beaucoup plus faciles à stocker et à transporter que l’électricité. »
Des exemples d’application du CCU ?
DD : « Vous savez… cela fait 40 ans que Coca-Cola injecte du CO2 dans ses bouteilles et qu’on boit du carbone venu des émissions d’usines. Fin 2018, Virgin franchissait un nouveau cap en effectuant un premier vol avec du kérozène synthétique produit à partir de carbone recyclé, avec un moteur traditionnel… Et depuis quelques mois, sont apparus sur le marché des matelas en mousse de polyuréthane fabriquée partiellement à partir de CO2 au lieu de pétrole, sur base d’une procédé innovant développé par la firme chimique Covestro. Tout cela démontre qu’avec les technologies CCU, on peut agir maintenant contre les changements climatiques!
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