Le tréfileur Bekaert a levé 300 millions d’euros via l’émission d’obligations convertibles. Il a pu ainsi financer l’acquisition de la division steel-cord du fabricant italien de pneus Pirelli. Bruno Humblet, Chief Financial Officer (CFO) de Bekaert, revient sur ces deux choix stratégiques.
Cette acquisition était une étape logique dans la consolidation de notre position BRUNO HUMBLET, BEKAERT
Bekaert
Il y a de fortes chances que les pneus de votre voiture contiennent de l’acier « Bekaert ». Un quart des pneus radiaux en circulation dans le monde sont en effet renforcés de câbles d’acier provenant d’une des usines du tréfileur. L’entreprise belge cotée en Bourse est même leader mondial dans ce segment de niche. L’acquisition de la division steel-cord de Pirelli au début de l’an dernier lui a permis d’accroître encore sa part de marché de 4 %.
Pirelli était l’un des derniers fabricants de pneus entièrement intégré, qui produisait encore lui-même ses câbles d’acier. Au fil des ans, cette approche s’était cependant muée en un handicap concurrentiel. Depuis 2000, d’autres grands fabricants de pneus – comme Goodyear et Bridgestone – avaient progressivement sous-traité la fabrication de câbles d’acier à de grands opérateurs capables de produire à moindre coût et d’investir en permanence dans l’innovation.
Bruno Humblet, Chief Financial Officer (CFO) de Bekaert : « Cette organisation intégrée mettait en péril le plan de développement de Pirelli. Car pour chaque nouvelle usine de pneus créée, le groupe devait également construire une fabrique de câbles. De toute évidence cette approche n’était pas efficace, se révélait extrêmement coûteuse et surtout mobilisait énormément de capitaux ».
Pas étonnant, donc, que les Italiens aient souhaité mettre en vente leur division steel-cord. Laquelle a immédiatement attiré l’attention du tréfileur belge.
Bruno Humblet : « Nous étions intéressés et prêts à acheter un acteur d’envergure internationale dès que l’occasion se présenterait. C’était une étape logique dans la consolidation de notre position, car nous sommes le seul producteur de fils d’acier qui dispose de sites de production sur tous les continents. De plus, Pirelli vise des clients du segment supérieur, où l’innovation est extrêmement importante. Or, ces clients constituent précisément notre cœur de cible. »
Roumanie
Même si la division steel-cord de Pirelli et Bekaert apparaissaient comme des partenaires naturels, les négociations n’ont pas pour autant été simples. Non seulement il fallait trouver un accord sur la vente de la division, mais aussi négocier un contrat de livraison à long terme.
Bruno Humblet : « Ces facteurs n’ont pas facilité l’acquisition. Car sans câble d’acier, Pirelli ne peut pas produire de pneus. Dans la mesure où il produisait tout lui-même jusque-là, il ne pouvait pas raisonnablement se mettre à faire du shopping du jour au lendemain ! »
C’est pourquoi un contrat de livraison de câbles d’acier pour dix ans a été conclu avec le géant italien du pneu.
Cette acquisition a permis à Bekaert de mettre la main sur cinq usines, en Italie, en Roumanie, en Turquie, en Chine et au Brésil. Le producteur belge était déjà actif dans l’ensemble de ces pays, à l’exception de la Roumanie. De plus, le tréfileur a pu accroître son chiffre d’affaires consolidé d’environ 300 millions d’euros.
Obligations convertibles
Pour financer l’opération, Bekaert a décidé d’émettre des obligations convertibles, pour la première fois de son histoire. Particularité de ces obligations : à l’échéance, leurs détenteurs peuvent choisir de se faire rembourser la valeur nominale en actions, en fonction de l’évolution du cours de l’action de l’émetteur. Si celui-ci s’apprécie fortement pendant la durée de vie de l’obligation, les investisseurs pourront profiter de cette hausse.
Bruno Humblet : « Pour nous, c’était totalement nouveau. Nous nous financions sur les marchés financiers principalement par le biais d’obligations ordinaires destinées aux investisseurs particuliers. Le moment était venu de diversifier notre portefeuille de dettes. Car il ne suffit pas uniquement de trouver un juste équilibre entre le financement bancaire et le financement via le marché des capitaux. Il existe tellement de produits différents que les dettes émises sur les marchés financiers doivent, elles aussi, être suffisamment diversifiées ».
Par ailleurs, l’émission d’obligations convertibles s’est avérée être une manière de lever des fonds à moindre coût.
Roland Hauzeur, Head of Equity Capital Markets chez BNP Paribas Fortis : « Ce n’est pas un cadeau fait à l’investisseur. L’option de conversion qui lui est offerte permet à l’émetteur de verser un coupon moins élevé que celui associé à une obligation ordinaire ».
Bruno Humblet : « C’était également la première fois que nous nous adressions aux investisseurs institutionnels. Le fait qu’ils nous connaissent désormais peut ouvrir de nouvelles possibilités de financement à l’avenir ».
L’émission a été accueillie avec enthousiasme. Finalement, 300 millions d’euros ont été récoltés en quelques heures à peine.
Dilution
L’émission d’une obligation convertible présente également quelques inconvénients. Car si le cours de l’action de l’émetteur augmente fortement, les porteurs d’obligation opteront pour un remboursement en actions. Ce qui pourrait signifier pour Bekaert l’émission de nouvelles actions, et, par conséquent, pour les actionnaires, une dilution de leur participation.
Bruno Humblet : « Nous pouvons bien entendu nous protéger contre ce phénomène de plusieurs manières. Nous avons immédiatement lancé un programme de rachat d’actions propres. Si nécessaire, nous pourrons utiliser ces actions pour rembourser les détenteurs d’obligations et limiter au maximum l’émission de nouvelles actions, voire l’éviter totalement.
Nous sommes actifs dans le monde entier, ce qui nous amène souvent à collaborer avec des banques locales. Cela dit, nous avons également besoin d’un acteur de grande envergure qui nous tient informés des nouvelles tendances et des nouveaux produits, des changements intervenus dans la législation et de leur impact sur les produits financiers. Vous n’avez pas besoin d’un banquier lorsque tout va bien et que vous n’avez pas besoin d’argent. Mais dans les moments qui comptent vraiment, le banquier doit être un appui et un soutien. »
Source : Echo Connect.